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Est-il possible de déshériter ses enfants en France ?

Les enfants ne peuvent être complètement déshérités en France, mais il reste possible de favoriser l’un d’entre eux ou un tiers.

La succession houleuse de Johnny Halliday a récemment mis en évidence une donnée parfois méconnue : il est impossible en France de déshériter totalement ses enfants, sauf dans certains cas tout à fait exceptionnels ! Il est cependant possible de désavantager un enfant que l’on estime indigne, à défaut de pouvoir le déshériter complètement. Voyons cela plus en détail…

Les enfants ont droit à une part réservataire de l’héritage…

Les articles 912 et 913 du Code Civil limitent explicitement la « liberté de tester » (de faire un testamment) en présence d’un ou plusieurs enfants. Les enfants disposent d’une quotité réservataire (que l’on appelle souvent couramment part réservataire) à laquelle ils pourront prétendre même en cas de testament contraire. Le Code Civil ne fait aucun distinguo dans les droits à héritage entre les enfants légitimes (nés dans le cadre du mariage de leurs parents), naturels (nés dans le cadre d’une liaison ou d’une union libre) ou même adultérins (nés dans le cadre d’une liaison alors que l’un des deux parents est par ailleurs marié).

La part d’héritage dont le testateur peut disposer librement est seulement de 50 % s’il a un enfant (la moitié), de 33 % s’il a deux enfants (le tiers) et de 25 % s’il a trois enfants ou plus (le quart). Ainsi donc :

  • un enfant unique est-il assuré de recevoir au moins la moitié de l’héritage ;
  • un enfant d’une fratrie de deux ne peut en recevoir moins du tiers (la moitié des 2/3 dont la dévolution est imposée dans ce cas) ;
  • un enfant d’une fratrie de trois ne peut en recevoir moins du quart (le tiers des 75 % dont la dévolution est imposée dans ce cas).

Les dispositions d’un testament qui contreviendraient à ces règles seront donc inopérantes : il suffira à l’enfant lésé de se pourvoir devant les tribunaux pour être rétabli dans ces droits ! De plus, cela entraînerait le gel de l’héritage durant le temps de la procédure, en empêchant ainsi les autres héritiers de disposer de leur part pendant de longs mois et même souvent de longues années…

…à la seule exception des parricides et assimilés !

La seule exception à cette règle de la part réservataire est celle des parricides et auteurs de délits assimilés, qui est un cas heureusement très rare. L’article 726 du Code Civil stipule ainsi que sont considérés comme indignes de la succession les personnes condamnées pour avoir tué le défunt (homicide volontaire, ou coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort). L’article 727 du Code Civil prévoit quant à lui que les personnes condamnés pour une tentative de meurtre, une dénonciation calomnieuse ou de la non-assistance à personne en danger peuvent être déclarées indignes de la succession de leur victime : ainsi un fils qui aurait tenté de tuer son père (ou sa mère) ou bien l’aurait dénoncé de façon calomnieuse peut être privé de sa part réservataire.

Ces articles du Code Civil, datant de l’époque napoléonienne, ne sont que très rarement appliqués : les cas évoqués sont exceptionnels, et il n’y a qu’à s’en féliciter ! Dans tous les autres cas, un fils ou une fille peuvent faire valoir leur droit à héritage quoi qu’il arrive…

Il est en revanche possible de désavantager un enfant légalement…

Il n’est pas légalement possible de priver un enfant de tout droit à héritage… mais il reste possible de disposer à sa guise de la part libre. Si par exemple vous avez deux enfants, chacun a un droit inaliénable à 1/3 de votre héritage mais vous restez libre de faire ce que vous voulez du dernier tiers. Vous pouvez ainsi le léguer à votre enfant préféré, qui aura alors les 2/3 de l’héritage contre seulement 1/3 pour l’autre enfant. Vous pouvez aussi le léguer à un parent plus éloigné (neveu, nièce, cousin, cousine, etc.), à un tiers (la personne dévouée qui a veillé sur vos vieux jours) ou même à une association d’intérêt général (SPA, aide à l’enfance, etc.).

Si vous voulez ainsi sortir de la répartition standard (qui conduit à partager également vos biens entre vos enfants), il vous faut impérativement rédiger un testament. Vous pouvez rédiger un testament olographe, entièrement de votre main (totalement manuscrit), ou bien rédiger un testament devant un notaire. Les deux formes de testament ont la même valeur légale. Cependant, s’agissant d’un testament qui a toutes les chances de déplaire à l’enfant défavorisé, il est préférable de s’adresser à un notaire : celui-ci s’assurera de la validité de votre testament, et l’enfant défavorisé ne pourra pas obtenir son annulation par les tribunaux !

…ou de prendre des dispositions pour diminuer sa succession

Si vous n’avez qu’un enfant et ne souhaitez pas qu’il hérite de vous, parce que par exemple vous désapprouvez ses choix de vie, il vous suffit tout simplement de « dilapider » votre capital. L’essentiel des biens de la plupart des Français sont des biens immobiliers (résidence principale, et parfois résidence secondaire). Au lieu de conserver votre patrimoine immobilier jusqu’à votre décès vous pouvez très bien le vendre et profiter de l’argent ainsi récupéré. La solution optimale en l’occurrence est de choisir de vendre en viager ses biens immobiliers : il est ainsi possible de continuer à en profiter jusqu’à son décès, et de disposer en sus d’un surcroît d’argent qui permettra de se faire plaisir.

Si vous avez plus d’un enfant et souhaitez diminuer ce que recevra l’un d’entre eux, il existe quelques possibilités de transmettre des sommes hors succession.

La transmission de capitaux via une assurance vie est ainsi par exemple en principe exclue de la succession ; les montants concernés ne doivent cependant pas être trop importants au regard de la succession, faute de quoi le fisc et/ou le(s) héritier(s) lésé(s) pourraient demander (et généralement obtenir) la réintégration dans la succession.

Les dons manuels et libéralités consenties de son vivant ne seront « rapportés à la succession » que s’ils sont disproportionnés et traçables. Ainsi un cadeau fait à l’occasion d’un événement (mariage, anniversaire, etc.) échappera à la succession s’il n’est pas excessif au regard des ressources de la personne qui fait le cadeau (quelques % du revenu annuel au maximum).

Un don en liquide est également un bon moyen de favoriser un de ses enfants, voire un proche, en toute discrétion. Il faut cependant, si l’on ne veut pas attirer l’attention des cohéritiers voire du fisc, éviter de procéder à des retraits d’argent massifs. De même la personne qui reçoit votre don en liquide doit s’abstenir d’en faire état, et de déposer telle quelle la somme d’argent sur son compte en banque. Si ces précautions sont respectées, le transfert d’argent passera inaperçu et échappera donc à la succession.

D’autres pays n’ont pas les mêmes règles successorales

La solution la plus radicale si l’on tient absolument à déshériter ses enfants, c’est de s’installer dans un pays dont les règles d’héritage ne prévoient pas de quotités réservataires pour ces enfants. Cette solution est cependant un véritable choix de vie, puisque cela implique de s’établir réellement et définitivement dans ce pays. Le fisc et/ou les héritiers lésés pourraient contester la validité du testament étranger s’il s’agissait d’un déménagement fictif : c’est d’ailleurs ce qu’invoquent les avocats de David Halliday et Laura Smet pour contester le testament américain de leur père !

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